Si vous n’êtes pas allé au cinéma en ce début d’année, vous avez sans doute raté l’un des meilleurs films américains de 2017. Le scénario est bien construit, par un réalisateur qui sait où il veut emmener son public, et surtout le traitement du thème nous dérange et interroge la société américaine. Décryptage.
Fuir ou rester ?
L’histoire commence avec les préparatifs d’un jeune homme qui part rencontrer les parents de sa petite amie. Chris Washington est noir, Rose Armitage est blanche, et vient d’un petit village où les Afro-Américains sont rares, et le racisme, lui, bien ancré.
L’arrivée dans la famille n’est pas si idyllique qu’elle aurait pu l’être. Les parents accueillent à bras ouverts le jeune photographe, lui assurant qu’ils encouragent la mixité et la tolérance. Néanmoins, il se passe des phénomènes étranges : son ami policier le met en garde, de nombreux « cousins » ont disparu mystérieusement dans les alentours.
L’atmosphère est de plus en plus pesante pour Chris, notamment par le comportement des deux employés de maison de la famille, rares habitants noirs de la région. L’attitude d’un des invités lors de la réception donnée par les Armitage se conduit étrangement, agressant à moitié Chris en lui ordonnant de fuir la maison : « get out ! ». Comment cela va-t-il finir ?
Une trame très bien ficelée
L’acteur principal, Daniel Kaluuya, mérite largement son MTV Movie & TV Award for Next Generation. Le jeu des acteurs nous a paru juste, le scénario bien monté, et surtout, l’utilisation de la violence bien dosée. D’autres avis sur ce film sont d’ailleurs très positif. Cette réalisation fut un franc succès !
Nous éviterons de vous spoiler la fin, mais la manière dont est amenée la chute de cette histoire est particulièrement bien gérée, par un réalisateur, Jordan Peele, qui sait où il va. Peu ou pas de scène inutile, toutes les scènes viennent subtilement donner un indice sur l’horreur qui se trame derrière les apparences.
De plus, le spectateur est invité à deviner l’insupportable, notamment grâce à une scène qui se produit en l’absence de Chris. Alors qu’il était le fil rouge de l’histoire, le voilà qui disparait de l’écran pour faire place à une sorte de mise aux enchères muette, conviviale, et inquiétante, entre les convives blancs et fortunés des Armitage.
La question de la suprématie physique
Tout au long du film, le spectateur est confronté à l’idée du père, Dean Armitage, qui veut que les hommes de race noire aient des corps plus forts, plus résistants, que ceux des Blancs. Alimentée par les succès sportifs des hommes noirs dans certaines disciplines (course, basket, etc.), l’idée circule que, physiologiquement, les Noirs sont plus proches d’une sorte de nature bestiale.
Cette théologie ressemble beaucoup à du racisme inversé, une manière de dire que l’homme blanc est plus évolué, plus civilisé, moins sauvage. En effet, ce sont les personnages noirs qui effraient Chris, lui qui affiche pourtant une attitude tout à fait exemplaire. Il est calme, photographe, un vrai spectateur, un parfait gendre. Sa vraie nature apparait à la fin du film, lorsqu’il est en danger, afin de faire face à la vraie bestialité, la vraie horreur : celle des Blancs.
Une véritable partie de chasse
Le thème de la traque et de la proie court le long de l’histoire, à travers l’évolution du personnage au sein de cette famille, mais aussi de par son passé. Dès le début de l’histoire, lorsque le couple entre dans la région natale de Rose, la voiture est heurtée de plein fouet par une biche. La pauvre bête est laissée pour morte sur le bas-côté.
Plus tard, on apprend que Chris est véritablement traumatisé par la mort de sa mère, qui, a la suite d’un accident de la route, meurt de nombreuses heures plus tard, après s’être vidée de ses forces. L’histoire, qui vient en écho avec l’épisode de la biche, est d’autant plus tragique que Chris, alors enfant, n’est pas venu à son aide alors qu’il l’attendait à la maison. Quant à la fin… Mais ça, nous vous laissons le découvrir !